mardi 3 janvier 2017

Step Back in Time #1 : Il ne peut en rester qu'un

Here we are, Born to be kings, 
We're the princes of the universe, 
Here we belong, Fighting to survive, 
In a world with the darkest powers, 
And here we are, We're the princes of the universe, 
Here we belong, Fighting for survival, 
We've come to be the rules of your world,
I am immortal, I have inside me blood of kings, 
I have no rival, No man can be my equal, 
Take me to the future of your world






Les années 80, époque bénie et maudite du cinéma puisqu'elle a vu éclore les meilleurs concepts du média mais hélas pas toujours les meilleurs traitements de ceux-ci.

C'est le cas avec le film qui nous occupe aujourd'hui : Highlander.

Oh j'entends déjà des cris de vierges effarouchées parce que j'ose m'attaquer à ce film culte, mais, soyons honnêtes : voila un agréable divertissement qui n'a pourtant rien d'un chef-d'œuvre tant scénaristique que technique. Alors, pourquoi une telle aura presque ceinte des lauriers de la gloire ?
Je ne vais pas vous faire languir : parce que son concept a de la gueule et que les multiples suites et séries dérivées, toutes désastreuses, ont aidé à faire passer ce premier épisode de la saga pour bien meilleur qu'il n'était (placer une pizza surgelée fabriquée en usine à côté d'une merde pleine de mouche et vous verrez que la dite pizza semble d'ores et déjà bien plus appétissante).

Mais avant de sortir les sabres et de me couper la tête, pitié, relisez-moi : je n'ai jamais écrit que le film était mauvais. Il est de plus porté par un concept fort (bousillé par les suites mais la question n'est pas là).

Et pour les plus jeunes pour qui Highlander est synonyme de "à chier" et qui ne font que répéter ce que leurs aînés racontent, retournons un peu sur les traces du premier film.


Nous sommes venus de la nuit des temps, traversant silencieusement les siècles. Vivant plusieurs vies secrètes, combattant pour survivre, luttant pour atteindre le moment de la rencontre, quand les quelques rescapés se battront jusqu'au dernier. Personne n’a jamais su que nous étions parmi vous ... jusqu'à maintenant.





Connor Macleod est un immortel de plus de 400 ans.
Au fil des siècles et des époques, d'autres, immortels comme lui, sont apparus sur Terre et se livrent une bataille dont le point culminant aura lieu lorsqu'une poignée d'entre eux restera.
En duel singulier, les immortels recherchent à trancher la tête de leur adversaire pour recevoir le "quickening", une décharge d'énergie qui survient après la mort de l'un d'eux.
Le dernier immortel en vie recevra "le prix", dont la nature demeure un mystère mais une chose est certaine : l'essence du méritant aura un impact sur le reste de l'humanité lorsque celui-ci sera le dernier immortel sur Terre.

Donc, évacuons direct ce qui ne va pas dans tout ça et ensuite nous terminerons sur les bonnes notes.
Premièrement : le budget du film. 16 millions de dollars, c'est peu, surtout au vu de l'ambition de la chose. Traverser les époques, les batailles épiques, etc… cela a un coût et manifestement les billets verts n'ont pas assez suivi. La légende veut qu'énormément de passages aient été abandonnés par manque de moyens. La novellisation du film, sortie en 1986, contenait par exemple de multiples chapitres complètement absents du film et provenant sans doute du scénario, comme de nombreux retour sur la vie du Kurgan, l'antagoniste principal du film.
Nul doute que les capacités des immortels auraient été plus recherchées et plus impressionnantes ( peut-être plus proches de ce que l'on peut voir dans le troisième épisode ? ).
Leurs pouvoirs sont finalement assez limités : ressentir la présence de leurs pairs et guérir plus vite que Wolverine.
Les combats à l'épée, s'ils sont correctement chorégraphiés n'en restent pas moins un peu faiblards et, face aux standards actuels, lents et peu palpitants.




Le méchant est parfois méchant pour le plaisir de démontrer sa malice et sa malveillance envers les autres et ce guerrier ultime n'est finalement qu'une brute avec une grande science de l'épée, sans plus. Ce qui ne cadre pas vraiment avec ce qu'il est censé être, à savoir un guerrier redoutable, aguerri par des siècles de batailles : ce mec aurait dû finir financier, un requin face à un simple commerçant, éduqué certes mais qui joue dans les lignes blanches.
L'imagerie du gentil, devenu antiquaire nanti, et du méchant, punk en cuir, est d'ailleurs assez étrange voire idéologiquement choquante, comme si la contre-culture devait être éradiquée par l'idée que la société peut avoir de la "normalité".
On peut aussi se poser quelques questions sur les facilités de scénario (toute la relation entre Connor et Brenda en 1985 est assez étrange) et se demander ce qu'il faisait en Europe en 40-45 quand  tout le reste du film insiste sur le fait qu'il vit en Amérique du nord depuis au moins 1783.

La réalisation est souvent correcte mais sans plus.
Cependant, le réalisateur et le directeur photo semblent adorer les ambiances enfumées ou brumeuses et les jeux de lumière que cela permet, ce qui donne un cachet certain à l'image bien que le procédé soit répétitif.
Ensuite, certains effets de transition entre les époques ont été pensés en amont du tournage pour permettre de jouer avec le montage, ce qui démontre que non, le réalisateur n'est pas allé sur le tournage à l'arrache. Russel Mulcahy n'est peut-être pas un grand cinéaste mais il avait du dynamisme et des idées dans sa caboche et il s'en sort relativement bien avec un budget casse-gueule au possible pour un film nécessitant un grand nombre de costumes, de décors et d'effets spéciaux (L'arme fatale a coûté aussi cher mais n'avait pas besoin de tant d'éléments si particuliers).
De plus, venu du clip, Mulcahy va se servir de trucs et astuces bon marché pour sur-stimuler les ressentis du spectateurs ( caméra accrochée à un balancier, etc...) 
L'ouverture du film ce fait sur un match de catch et la foule est avide de violence : dans la foule, le jeu de lumière du directeur photo arrive à mettre en avant le personnage de Connor sans que l'impression qu'il soit mis en exergue par un effet de réalisation ne se sente : il est habillé comme les gens qui l'entourent mais il est clairement différent d'eux, cela est directement confirmé par les flashbacks qui assaillent soudain l'écran, une bataille moyenâgeuse dont on comprendra qu'elle est un souvenir pour le personnage.

There's no time for us
There's no place for us
What is this thing that builds our dreams yet slips away 
from us

Who wants to live forever
Who wants to live forever....?

When love must die

Les thèmes abordés sont assez novateurs au cinéma pour l'époque.
Alors oui, Anne Rice et ses vampires se lamentant de leur immortalité assurent dans les bouquins depuis les années 70, mais au cinéma (qui a toujours trois guerres de retard sur la littérature), c'est assez neuf.
L'immortalité peut donc être un fardeau (ou un prétexte à de l'humour lors d'un duel au 18ème siècle entre gentilshommes) et la chanson de Queen accompagnant la scène de la mort de la première épouse de Connor est très belle et très claire sur le sujet (mais du coup, le groupe sert presque à surligner la chose, ce qui donne à la chanson la même fonction que les passages chantés dans un Disney, la tragédie noire en plus).
Si les Immortels du film ne peuvent avoir d'enfants, cela n'était pas le cas dans les premières versions du scénario où Connor avouait avoir eu 37 enfants (et assisté à chacun de leurs enterrements, bonjour l'ambiance dépressive).



On se retrouve aussi en territoire défriché lorsque l'on croise des schémas narratifs connus et reconnus dont les racines remontent aux mythes anciens. Connor est un jeune homme un peu différent qu'un vieux sage, lui aussi différent, prendra sous son aile pour le former avant qu'il ne puisse entamer son voyage.
C'est le très classique mais toujours actuel "Appel de l'aventure". C'est Gandalf et Frodon, c'est Obi-Wan Kenobi et Luke Skywalker.
D'ailleurs, Sean Connery en Ramirez rappelle plus aisément Obi-Wan, surtout lorsque sa voix-off résonne à la fin du film, ne provenant pas des souvenirs de Connor. Sans compter son combat et sa chute face à la figure du chevalier noir qu'est le Kurgan rappelant la mort de Kenobi face à Dark Vador/Darth Vader (oui, je fais plaisir aux puristes comme aux autres).
Dans les mythes, le héros parti à l'aventure revient changé et porteur d'un nouvel espoir pour son village/nation/monde. C'est également ce qui attend Connor puisqu'une fois vainqueur du Kurgan et détenteur du "Prix", il est clairement stipulé que son savoir est total et qu'il peut influer sur les pensées des gens (alors bonjour le libre arbitre mais soit).



Notons aussi que New York comme lieu du combat final n'est pas anodin, dans les années 80, la Grosse Pomme était l'une des villes les plus violentes d'Amérique (certes, derrière Washington et Boston mais la ville possédant des studios de cinéma, sa nature a vite occulté celle des deux autres), il faudra attendre la guerre au crime et aux armes de Rudolph Giuliani dans les années 90 pour que la ville semble plus propre.





Un point important dans le film est la place ou l'image de la femme. Alors que Sarah Connor et Ellen Ripley explosent le taux de testostérone à cette époque, les femmes du film sont souvent en retrait et victimes. Il est également à noter qu'aucune Immortelle ne semble exister, ce don étant réservé apparemment aux mâles.
Mais faut-il y voir une certaine forme de misogynie latente ?  Eh bien pas forcément.

Déja, il faut replacer le film dans son époque : le "girl power" était en gestation (merci James Cameron) et ne trouverait sa maturité que plus de dix ans plus tard (Buffy, si tu nous lis). Et si l'on va plus loin, avec leurs épées et leur passé, les personnages ressemblent à des chevaliers blancs ou noirs projetés dans le monde moderne. Et le modèle chevaleresque (blanc) ne fonctionne pas sans demoiselle en détresse (mise à mal très souvent par un chevalier noir ; cf. Mordred).





Ensuite, j'ai une théorie. Mais avant tout, je tiens à faire remarquer, si besoin était, que la lecture d'une œuvre est dépendante du savoir et des partis pris de celui qui se penche sur le sujet : donc je suis peut-être complètement à côté de la plaque sur les intentions du réalisateur et du scénariste mais je me lance quand même.
Dans l'imaginaire et l'inconscient collectifs, la femme symbolise la vie (voire les expressions comme "mère nature" ou les représentations des vénus préhistoriques), or, tous les immortels sont cernés par la mort et la stérilité.
Plus fort, ils ne se battent que pour la mort : la mort par la main & l'épée d'un autre immortel mais l'essence même du "Prix" est liée à l'accès à la mortalité. Quelle que soit leur habilité d'épéiste duelliste, le bout du chemin sera le même : la mort. Côtoyer la gent féminine sans être capable de mourir est une souffrance pour Connor et son mentor Ramirez : incapables de décéder, ils souffrent de la présence de la vie (qui a un début et une fin, contrairement à leur vie qui n'en est donc pas vraiment une) palpitant dans les veines des femmes qu'ils ont aimées et condamnée à s'éteindre un jour.







Enfin, si tout le monde associe Queen à la musique de Highlander, il ne faudrait pas oublier le très bon travail de feu Michael Kamen (L'arme FataleDie HardX-men, c'est lui) qui accompagne et embraye sur le travail de Queen avec une rare aisance.


Aucun commentaire: