jeudi 12 avril 2018

Les belles à la prison dormante.

Stephen ( prononcez Steven, si si ) King nous revient , accompagné pour l’occasion par son fils ,non pas Joe Hill mais Owen King qui a gardé le patronyme de papa , lui. Alors, plus d’idées dans deux têtes que dans une ? Réponse tout de suite.

Dooling est une petite ville perdue dans les Appalaches, en Virginie Occidentale ( King quitte le Maine ce coup-ci). Bourgade typiquement américaine où tout le monde connait tout le monde. Ce qui la distingue un peu, c’est sa prison pour femmes où officie le Dr. Clint Norcross, psychiatre d’une cinquantaine d’années, mari de Lila,  la Shérif de la ville.

Deux évènements vont venir semer le trouble.
Internationalement, le monde voit toutes les femmes s’endormir dans des cocons de soie. Et gare à ceux qui tenteraient de réveiller une dormeuse : cette dernière se réveille avec la folie chevillée au corps et le meurtre sadique dans le sang.

Localement, l’arrivée de l’étrange Evie Black, enfermée, peu après son attaque mortelle sur deux petits chimistes dealers, à la prison. Evie semble en savoir plus qu’elle n’en dit sur l’épidémie Aurora. Sa présence va cristalliser bien des tensions dès lors qu’il apparait qu’elle est la seule femme au monde à pouvoir se réveiller sans encombre.

Difficile, à la lecture du pitch de ne pas penser à la série «  Y, The Last Man », qui partait sur un postulat inverse : tous les hommes du monde meurent au même moment, sauf Yorick, petit magicien qui n’a rien de spécial. Que faire alors que la moitié de l’humanité disparaît ? Une moitié indispensable à la reproduction ? Le monde devient-il fou ? D’après King et fils, oui, et cela semble pire si la moitié qui reste est masculine.

Si la première partie du roman prend son temps pour installer le décor et les personnages, elle le fait dans la plus pure tradition kingienne : la psychologie est fouillée, les points de vues de divers intervenants est exposée avec soin, du héros au salaud. Le sel se trouvant bien entendu dans les zones de gris : difficile de ne pas comprendre certaines réactions de l’antagoniste de l’histoire. Du moins, au début.
Car une fois l’échiquier mis en place et les pièces déplacées pour débuter le vrai cœur de la partie, les choses se gâtent. Le sujet était-il trop gros ? En 800 pages, sans doute. Le destin du monde, au final, se jouera en deux temps : un Fort Alamo certes prenant et réglé comme du papier à musique ET une histoire parallèle intéressante en surface mais qui ne plongera jamais vraiment dans le questionnement profond.
Et entre les climax et la mise en place d’une intrigue secondaire : du remplissage.
Du remplissage digne d’un soap opera. Pour créer de la tension artificiellement entre Lila et son mari, les auteurs collent une histoire de possible adultère donc la résolution se produit sans faste ou enjeu. Certes, les King nous ayant surtout attaché aux Norcross, cette zone d’ombre nous tient en haleine. Mais il apparaît bien vite que l’incidence de la chose sur la situation principale est proche du néant total.
Ensuite, la situation secondaire que je ne dévoilerai pas ici pour ne pas spoiler n’aborde jamais vraiment de sujets intéressants.  Les hommes du monde semble désemparés, à raisons, mais le point de vue reste très masculin/féminin. Jamais la question des transexuels n’est abordée : les femmes devenues hommes se mettent-elles à dormir ? Idem pour les hommes devenus femmes, et quid des en transition ? Il y avait là tout un pan sociologique à aborder que les King laissent de côté. Très étrange de la part de Stephen qui aime pourtant explorer les situations sous leurs divers angles.
Reste que les King arrivent à mettre le lecteur masculin mal à l’aise face à ses questionnements et possibles contradictions. Pas mal, mais pas assez pour tomber le cul par terre. Le lecteur habitué de King ne pourra sans doute pas s’empêcher de se demander dans quelle mesure le roman est de Stephen ou d’Owen. La symbolique très marquée Judéo-chrétienne est en effet très loin de celle employée par papa King dans sa riche œuvre.



La postface n’abordant absolument pas le processus d’écriture des romanciers, c’est au fan de se faire une idée sur le sujet.
Trop de facilités et top de remplissage finissent de faire de cette lecture un roman dispensable qui , s’il n’est pas sans qualités profondes, regorgent de trop de défauts structurels pour vraiment créer l’adhésion totale.

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